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Témoignage : « C’est en acceptant de lâcher prise que j’ai réalisé à quel point j’étais stressée »

Maria-Gracia est infirmière dans le service d’oncologie du Grand Hôpital de Charleroi. Elle fait partie de l’équipe qui a mis la Maison Mieux-Être sur pied, convaincue qu’un lieu de ressourcement extérieur à l’hôpital est un réel avantage pour les personnes atteintes d’un cancer. Du jour au lendemain, elle se retrouve “de l’autre côté de la barrière” en apprenant qu’elle souffre d’un cancer du sein. Elle dévoile ici sa traversée de la maladie et le déchainement de sentiments que ce parcours a entrainé, sa vision bouleversée d’une maladie qu’elle devait soigner avant de l’affronter elle-même, et sa propre expérience de l’accompagnement proposé à la Maison Mieux-Être.

“C’était une mammographie de contrôle annuel. Le diagnostic m’est tombé dessus, j’ai eu du mal à y croire au début et je pensais que c’était une erreur… Mais non, je me suis très vite retrouvée de l’autre côté de la barrière.”

D’un coup, la vie de Maria-Gracia bascule. Elle est soignée dans le service-même où elle travaille, et elle y passe “une tonne d’examens de plus en plus difficiles à supporter psychologiquement et physiquement”. “La maladie prend toute la place”, dit-elle, “je ne me retrouve plus, je n’existe plus”. Tous ses repères sont subitement balayés : “J’avais une vie bien remplie, bien organisée et elle devient brutalement incertaine et mise entre parenthèses”.

Avec la maladie viennent les traitements. “La chimiothérapie, ses effets secondaires, et surtout la douleur et les migraines violentes”, continue Maria-Gracia, en évoquant “un mal-être et un inconfort constant”. Son regard sur les patients du service d’oncologie, ceux qu’elle a pour habitude de soigner, est complètement différent. “J’ai toujours eu énormément d’empathie et d’amour pour mes patients, mais je constate aujourd’hui qu’il était impossible de réellement comprendre ce qu’ils traversaient sans l’avoir vécu… On ne se rend pas compte du point auquel ce qui peut apparaître comme un détail peut être insurmontable”, dit-elle. “Allez comprendre quelqu’un qui se plaint d’une diarrhée de trois semaines, alors que dans les faits, tu n’oses plus sortir de chez toi !” Quant à l’admiration qu’elle a toujours eue pour ses patients, “des gens gravement malades qui ont une philosophie de vie incroyable, qui ne se plaignent jamais et te valorisent constamment”, elle s’est encore renforcée avec cette traversée difficile.

« Nous avons travaillé plus d’un an à l’ouverture de la Maison Mieux-Être, et aujourd’hui je la teste en tant que patiente… C’est quand même fou, non ? »

« Heureusement, je suis guidée et soutenue par mon mari et mes enfants que j’adore, par des amis et des collègues que j’ai beaucoup de chance d’avoir dans ma vie”, reprend Maria-Gracia le sourire aux lèvres. Elle prend peu à peu le temps… de prendre le temps, pour elle. Jusqu’au jour où une collègue l’invite à passer la porte de la Maison Mieux-Être, ce qu’elle n’avait pas l’intention de faire au début. “J’ai pourtant toujours été convaincue de l’intérêt d’ouvrir cette Maison : je fais partie de l’équipe qui a piloté son ouverture”, explique-t-elle. “Nous avons travaillé plus d’un an à la mise en place du projet, et aujourd’hui je la teste… C’est quand même fou, non? Mais le plus fou, c’est de réaliser la difficulté que j’ai éprouvée à passer la porte de la Maison. Quelque part, cela demande de lâcher prise, de laisser d’autres personnes s’occuper de toi, de ton propre corps…”

“Et ça fait un bien immense !”, ajoute Maria-Gracia. “Je me rends compte du point auquel ça a été précieux… Des bénévoles dévoués, à l’écoute, d’une incroyable générosité, tout simplement merveilleux”, dit-elle. “Et c’est finalement là que j’ai réussi à lâcher prise, que j’ai accepté de voir mon corps massé, soigné par quelqu’un d’autre, et surtout que j’ai réalisé à quel point j’étais stressée, anxieuse, que j’anticipais tout plutôt que de vivre le moment présent”.

Vivre le moment présent. Une phrase “qui fait presque bateau”, continue-t-elle, “mais on peut vite s’en distancer dans le train-train quotidien”. Elle adresse le message tout particulièrement aux jeunes : “C’est maintenant qu’il faut vous ménager du temps”, dit-elle. “Finalement, pourquoi attendre d’être malade ou pensionné ?”

Aujourd’hui, Maria-Gracia dit être “dans l’acceptation”. “Je ne me tracasse plus pour des broutilles… J’ai fait du chemin depuis l’annonce de ma maladie, j’ai appris à cohabiter avec un corps changé, et surtout avec mon esprit. J’ai appris à assumer ma maladie car au fond, elle ne me fait plus peur. Je sais que je m’en retrouverai plus forte encore.”